Chaleur et Torride (Suite)

Malgré le fait que j'aie faigné m'endormir, le sommeil m'avait finalement gagné, et le petit somme que je m'accrodai me fit le plus grand bien. En me réveillant, j'aperçus ces oeufs qui trônaient à mes côtés, et leur odeur alléchante qui titillait mes papilles... Je ne pus que les dévorer du regard, incapable de bouger ne serai-ce que mon petit doigt. Avec frustration, je tentai à nouveau de me mouvoir, mais c'était impossible... Je sentais ce regard peser sur moi, d'une manière que je n'avait jamais senti auparavant... J'ouvris les yeux pour enfin prendre le temps de détailler mon hôte. Ce regard.... Ses yeux, ils étaient de couleur différente... Étrange... Autant le vert me rappelait un pétillant jeune homme que le violet émanait d'une sérennité telle que j'en fus (presque) intimidée. Je continuai de le fixer, il fit de même, et ce pendant presque cinq minutes, lorsqu'enfin je cédai à la tentation et réussi Dieu sait comment à me relever et manger les oeufs - non pas avant d'avoir avalé d'un trait l'eau fraîche qui raviva ce feu dans ma gorge, me fesant toussoter.

- Merci beaucoup...

Malgré tout le temps qu'ils avaient passé à l'air libre, les oeufs étaient toujours aussi chauds, probablement à cause de l'humidité ambiante qui me donnait des haut-le-coeur.
Après avoir mangé mon repas, heureuse d'avoir retrouvé ma mobilité, j'en profitai pour retirer mon armure de fer cuisante, que mon hôte n'avait probablement pas eu l'audace de retirer lui-même. Je n'en lui aurait pas voulu. Ne portant plus que ma cuirasse blanche et noire, je déposai l'armure au sol et passai une guénille traînant par là sur mon front couvert de sueur. Il fesait si chaud... J'étais à peine vêtue et couverte de compresses froides et je mourrais de chaud, alors que lui était bien emmitouflé dans une cape fonçée et semblait parfaitement normal.
Où pouvais-je bien être...?

Et qui était ce jeune homme qui voulait tout savoir de moi?!

Il parlait si vite que mon cerveau eu du mal à analyser la situation ; d'une part, j'essayais de deviner où j'étais, qui il était et si j'étais en sécurité. Normalement, je n'aurais eu aucun mal à discuter avec lui tout en effectuant ces analyses, mais avec l'insolation que je venais de me prendre, la tête me mit à tourner à nouveau, et je me sentais comme si on m'avait martelé les tempes pendant des heures. Je réussis tout de même à capter quelques bribes de ce qu'il débita... ''Kiri...chaleur...attendre...'' Et puis, l'essentiel, ''Que fais-tu à Suna?''

Tant mieux. Je savais désormais que j'étais perdue au beau milieu de ce four qu'étais le Pays du Vent. C'est alors que miraculeusement, la mémoire me revint. L'air brûlant... Mes poumons se déchirant dans ma poitrine tant l'air était sec, le sable chaud, bouillant... Et cette lacinante douleur qui m'envahit quand je tentai de me rappeler la suite des évènements. Ma chute dans le sable à ébullition, c'était tout ce dont je pouvais me souvenir. Face à ma propre vulnérabilité, je sentis ma gorge se serrer quand je murmurai :

- Que fais-je...à... Suna...

Tentant désespérément de m'en souvenir malgré la souffrance qui me tiraillait de part et d'autre, grimaçant de douleur, j'enfouis mon visage dans mes mains, vaine tentative, ma tête continua de me faire souffrir, comme si tailladée de l'intérieur par une quelconque lame.

- Je ne sais... pas... Je ne sais plus, je...

Cette fois, la douleur n'était pas feinte. Je me laissai doucement glisser du lit, m'adossai à ce dernier, et fixai d'un regard absent le sol à mes pieds.

Que fesais-je à Suna?

Je sentis son souffle chaud tout près de mon visage, et des frissons - de peur, de plaisir? - parcoururent mon corps lorsqu'il murmura :

-Prends ceci, et tout tes tourments cesseront...

Je ne sus comment interpréter cette mysterieuse phrase. Ce médicament, je n'en connaissais aucunement les effets, et je ne pouvais tout simplement pas me résoudre à avaler un cachet dont je ne connaissais pas les effets. Peut-être mon hôte cherchait-il tout simplement à m'endormir, afin de pouvoir se débarasser de moi? Me tuer? Où plutôt, me droguerait-il afin d'assouvir ses sens...? Pire encore, le cachet ne pourrait être rien d'autre qu'un médicament destiné à faire partir les maux de tête, que moi, en toute bonne paranoïaque, refuserait de peur d'être empoisonnée.

Lorsqu'il s'éloigna de moi, je me rappelai qu'il me fallait respirer. Il me demanda si je me souvenais de mon nom, de quoi que ce soit qui indiquerait que je ne suis pas complètement folle (Il ne s'était bien sûr pas exprimé en ces mots). ''Ce type, il a le dont de me mettre dans la merde... Je ne peut pas lui dire mon nom, sinon je serais aussitôt découverte... Si seulement il arrêtait de me harceler! À moins que...''

- Souviens-toi...

Je le fixai un moment, évaluant les chances de réussite de mon plan. Je tentai de mêler à ma voix ce qui sonna comme du désir lorsque je lui demandai :

- Approche...

Par chance, son manque d'expérience avec les femmes me permettrait, une fois qu'il se serait sous mon pouvoir, de lui révéler qui j'étais vraiment sans qu'il veuille me dénoncer, par peur de me perdre. Si ce plan, malgré qu'il fût mon dernier recours, échouait, je devrai me résoudre à le tuer.

[J'avais tout simplement pas d'inspiration...]

Il m'écrasa une compresse sur le front, ravivant la douleur qui s'était momentanément estompée (où alors je l'avais tout simplement oubliée), et me recommanda de me reposer.
Quel contraste avec le jeune homme qui, quelque minutes plus tôt, avait fait naître en moi un désir irrépréssible... En un instant, il avait passé d'une sérennité incroyable à un comportement presque enfantin et enjoué. Quel étrange personnage... Souriant intérieurement - je crois que j'ai vraiment sourié, pourtant - je suivit son conseil et m'étendis à nouveau sur le lit moelleux, m'habituant un peu plus à la chaleur et l'humidité accablante de Suna. Mon hôte avait piqué ma curiosité, je décidai donc de profiter du gîte qu'il m'offrait encore un peu, avant de trouver un moyen de me sortir de là. Après tout, il avait raison, je n'étais toujours pas en très bonne forme. Mieux valait rester ici quelques temps que d'essayer de m'enfuir et m'évanouir avant d'avoir franchi le seuil de la porte. Je m'endormis paisiblement, et il me sembla que je rêvai à nous deux, étroitement enlaçés...Songe que je me fis violence pour immédiatement oublier.